
La réunion du groupe de travail consacrée à la publicisation des cahiers de doléances, initialement prévue le 4 décembre 2025, a été ajournée. Le dossier qui est entre les mains du cabinet du Premier ministre, Sébastien Lecornu, depuis mi-novembre, n’a pas encore pris de position sur les orientations proposées par le comité technique. À ce stade donc, aucune décision n’a donc encore été rendue, alors même que les travaux préparatoires ont abouti à des préconisations claires et partagées.
Cette attente continue de prolonger un paradoxe démocratique : quasiment sept ans après le #Granddébat national, des centaines de milliers de doléances restent dans l’ombre de la vie démocratique de notre pays, alors qu’ils constituent l’une des expressions citoyennes les plus massives de l’histoire contemporaine.

C’est dans ce contexte que, à l’occasion du Congrès des maires de France, une délégation d’élus de l’Association des Maires Ruraux de France (AMRF) a été reçue au ministère de la Culture pour un temps d’échange avec l’actuelle ministre, Rachida Dati, en présence du ministre chargé de la ruralité, Michel Fournier. J’ai pu y interpeller directement la ministre sur l’enjeu majeur que représente la publication du corpus des doléances, en rappelant les préconisations arrêtées par le comité technique le 6 novembre dernier et transmises au Premier ministre. La ministre n’ayant pas encore reçu ces éléments, cet échange a permis d’insister sur la portée démocratique, mémorielle et politique de ce dossier.
Pour rappel, le groupe de travail dédié à la publicisation des cahiers de doléances s’est réuni le 6 novembre 2025. Piloté par la Direction interministérielle de la transformation publique (DITP), différents scénarios techniques, juridiques et budgétaires possibles pour rendre ce corpus accessible au public ont été présentés et analysés.
À l’issue des échanges, une orientation unanime s’est dégagée : confier l’analyse, la mise en forme et la valorisation du corpus au Campus Condorcet, en s’appuyant sur la recherche publique et sur les infrastructures existantes, plutôt que de recourir à une externalisation massive auprès de prestataires privés.
Ce choix répond à une double exigence :
Parmi les points soumis à arbitrage figure la question du portage politique du projet. Le groupe de travail a souligné la nécessité de désigner un ministère responsable à la fois :
C’est dans ce cadre que j’ai plaidé, auprès de la ministre de la Culture, pour un portage fort par son ministère, légitime au regard de la mission de conservation et de transmission de la mémoire démocratique du pays. Les cahiers de doléances ne sont pas de simples données administratives : ils constituent un patrimoine civique vivant, appelant un traitement à la hauteur de leur portée historique.
Le groupe de travail propose une démarche pragmatique et réaliste :
Cette phase devra notamment permettre de trancher la question sensible de la granularité géographique des recherches (commune ou département), enjeu clé pour l’accessibilité citoyenne comme pour la protection des personnes.
Un point essentiel des préconisations concerne la mobilisation des collectifs citoyens, engagés depuis 2019 dans la défense et la valorisation des doléances.Leur implication pourrait permettre :
Cette participation devra être strictement encadrée pour éviter toute requalification juridique, mais elle constitue une piste décisive pour concilier exigence démocratique, soutenabilité financière et intelligence collective.
Le scénario du Campus Condorcet, le rôle possible du ministère de la Culture, la méthode progressive et l’association des citoyens ont été clairement posés.Le travail technique est fait. Les orientations sont connues.
Il appartient désormais au Premier ministre et à son cabinet de prendre position. De cette décision dépendra la capacité de la République à reconnaître, rendre visible et transmettre la parole citoyenne issue du Grand débat national — non comme un vestige embarrassant, mais comme un socle pour refonder la confiance démocratique.